


Diarrhée partisane & Grippe cathodique !
22 Mars 2011
Tel un puissant laxatif à la posologie indéfinie, la révolution tunisienne a accéléré la profusion des partis politiques, on en compte 49 à ce jour ayant obtenu leur visa, environ 60 autres se bousculent aux portillons. Une diarrhée partisane somme toute compréhensible après une obscure et non moins obstructive parenthèse de constipation forcée. A ce rythme, je crains que le seuil fatidique de 100 partis ne soit atteint. Une perspective de dysenterie politique qui fera chier plein de monde ! Tels des champignons, les partis politiques prolifèrent, dare-dare et Zenga Zenga (c’est le cas de le dire), incognito, presque dans l’anonymat et pratiquement sans quelconque enracinement populaire. Une indigestion à en vomir ! L’inflation de partis est certes un indicateur de bonne santé, le métabolisme fonctionne correctement, mais l’idée de voir des partis naître par césarienne suite à un acte de viol ou d’inceste ceci me renverse et me laisse pantois. Un tel foisonnement, qui plus est fruit de moult inséminations artificielles ou fécondations in vitro, suggère qu’il y a plein de bébés-éprouvette dans la couveuse de la république.
Nul doute que cette effervescence partisane, par trop éruptive et épidémique, affole le thermomètre national et donne la pleine mesure de l’état fiévreux du paysage politique tunisien. Avec un nombre aussi pléthorique de partis, alors que le peuple a été longtemps formaté au parti unique, à la pensée unique et à la couleur unique mauve, je présume que, le jour de scrutin, moment historique à plus d’un titre, le plus averti des électeurs aura le tournis. Il en verra de toutes les couleurs qu’une épidémie de dyschromatopsie n’est pas à exclure ! Pour qui voter ? Voilà la question ! Elle est d’autant plus critique que la prochaine échéance électorale, en l’occurrence l’Assemblée Constituante, constitue une étape autant décisive que chargée de symboles dès lors qu’elle engage l’avenir de toute la Tunisie.
Face à cette mosaïque partisane, à la fois détonante et dissonante, où la Burqa noire et le béret rouge rivalisent de prouesses de mobilisation, où la droite et la gauche lorgnent vers le centre, où les chevaux panarabes et les étalons libéraux piaffent au bercail, à qui accorder ma voix d’autant plus qu’à ce jour ils ne brillent que par leur vacarme, croyant que celui qui crie le plus fort sera le mieux entendu ! Les nouveaux cavaliers de la politique se proposent de nous chevaucher sans selle ni itinéraire, cinglant juste leur fouet idéologique pour nous cravacher et nous frayer un chemin à leurs étables et leurs abreuvoirs. En un mot, acharnement populiste à l’harnachement populaire !
Jusqu’à ce jour, aucun de ces partis ne peut se targuer d’avoir vraiment dévoilé ou promu un programme politique et social, on dirait que le terme « programme » était littéralement banni par la révolution. Ils nous toisent, le regard sulfureux et le verbe sulfurique, dès que nous leur parlons de programme. Nous autres, roturiers de la république, juste chair aux canons électoraux, nous ne sommes pas ni censés ni outillés pour comprendre la haute voltige et le sens tactique des princes. Il me semble parfois que le nom du parti est à lui seul tout le programme et que les auteurs ont grillé leurs neurones juste pour en choisir le nom. Quant au programme, on repassera ! L’éventail des qualificatifs composant les noms des partis récemment crées est tellement consommé et épuisé qu’un problème de lexique et de sémantique se pose forcément pour ceux qui projettent de fonder un parti. Un exercice à se péter un câble ! On dirait qu’il suffit de trouver un nom, sonnant et trébuchant, pour fonder un parti. Il y en a dont les membres, fondateurs et militants, qui ne remplissent même pas un quelconque microbus ! Pourtant à entendre leurs vociférations et leurs braillements, on croirait qu’ils disposeraient d’un électorat bolchevique.
En outre, la nature n’a pas produit suffisamment de couleurs pour départager tous les partis autorisés ou annoncés. Bien sûr, la couleur mauve, que le tristement célèbre RCD a spoliée et expropriée aux non moins fantasques islamistes de l’époque, n’aura pas preneur. Les nouveaux sénateurs et barons de la politique rivalisent de professions de foi et d’effets d’annonce pour ne pas corrompre ou plomber leurs affiches de signes distinctifs du RCD. Dans la même foulée, et pour l’anecdote, j’ai remarqué que personne n’a utilisé le terme « Rassemblement », voulant sans doute se démarquer de toute analogie avec le RCD, ce qui prouve, si besoin est, l’étroitesse d’esprit de nos apprentis politiciens. On dirait que le terme « Rassemblement » était une pure invention de Ben Ali ou une marque déposée des prêtres mauves ! Vraisemblablement pour les mêmes raisons, on a évité également comme la peste le mot « constitutionnel », devenu soudain « politiquement incorrect » et incompatible avec le nouveau lexique partisan. S’agit-il d’une nouvelle thérapie de groupe, adaptée au contexte tunisien ? Un mot d’ordre répandu dans l’architecture politique post-révolution ? Une sélection naturelle pour nettoyer les arcanes de la mémoire des souillures que ces deux termes ont longtemps signifié ? Allez savoir ! Rien que pour voir leur tête, j’aurais bien aimé fonder un parti, rien que ma femme et moi, affichant la couleur violette, avec pour nom « Rassemblement Constitutionnel pour le Développement » par exemple ! Un nouveau RCD, qui plus est mauve, peut-être bien que les daltoniens de tous bords nous auraient pendus haut et court à la place « Kasbah ».
Par contre, nos nouveaux acteurs politiques semblent développer une puissante grippe cathodique, contagieuse et incurable, tellement ils sont friands et prestes à choper un micro ou à investir un plateau TV. Ils foncent tout droit dès qu’ils remarquent une caméra dans les parages ! Ils salivent rien qu’à la vue d’un plumitif. C’est le règne de l’orgasme médiatique, un Kuma Sutra en la matière n’en serait pas de trop ! Je n’en sais que fichtre ! Le Hic c’est quand tu l’interroges sur son programme, il déglutine, bafouille, le visage composé comme son passé, le verbe aussi imparfait que son image, l’esprit happé par son futur antérieur, massacrant la grammaire et la conjugaison.
Un programme ? Quelle plaie !